Chapitre 3La première chose que vit Malum en ouvrant ses yeux fut une paire de Vorox. Il pensa d’abord que tout cela – l’attaque des Skrall, sa capture – n’avait été qu’un rêve. Il en avait certainement eu beaucoup ces jours-ci.
Mais, non – ces Vorox étaient enchaînés. En tant que résidents du désert, les Vorox détestaient toute sorte de captivité. Malum ne doutait pas qu’un Vorox retenu trop longtemps perdrait simplement la volonté de vivre. La rage monta dans son cœur pour quiconque avait enchaîné ces bêtes, et il savait qui ils étaient : les Skrall.
Il leva les yeux pour voir deux de cette espèce détestée se tenir devant lui. L’un était un guerrier, comme ceux qui avaient attaqué son camp. L’autre était bien plus grand, vêtu d’une armure noire et verte, et évidemment aux commandes.
« Je m’appelle Tuma, » dit le chef. « Et tu es Malum, Glatorian déshonoré et amis des… animaux. »
« Tu es l’ordure du désert, » grogna Malum. « Et je suis celui qui dansera sur ta tombe. »
Le guerrier Skrall s’avança à l’endroit où gisait Malum et lui donna un coup sur le côté.
« Ce n’est pas une manière de parler, » dit Tuma. « Je t’ai apporté ici pour avoir une conversation. »
Malum se releva péniblement sur ses pieds. Ses muscles et ses articulations n’étaient étonnamment pas rouillés. Tuma semblait avoir une bonne quantité de confidence.
« Tu m’as apporté ici pour te venger, » dit l’ex-Glatorian. « Mon peuple a blessé le tien et tu ne peux pas le supporter. »
Le guerrier s’approcha pour attaquer Malum à nouveau, mais Tuma l’en empêcha. « Reste là. Tu as… à moitié raison, Malum. Tes Vorox se sont avérés être un certain problème récemment. Mais te tuer, même si je suppose que cela me fera grandement plaisir, ne changerait pas grand-chose. Crois-moi, si je voulais te voir mort, tes compagnons seraient incapables de retrouver tous tes morceaux. »
Malum regarda autour de lui. Il était dans la cité de Roxtus, remplie d’Agori de la roche et de troupes de Skrall. L’endroit était réputé pour accueillir des Glatorian dedans et ne jamais les laisser en sortir. Il pouvait voir des gardes Agori tout autour des murs et des patrouilles de Skrall entrer et partir à un rythme constant. Ce n’était pas un endroit réputé pour les visites.
« Alors, pourquoi suis-je ici ? »
« Tu contrôle les Vorox, » dit Tuma, et montrant les pathétiques créatures enchaînées. « Ils font ce que tu leur demande. Cela fait de toi une menace… Ou un potentiel allié de valeur. Mais avant que nous ne puissions signer un arrangement quelconque avec toi, nous devrions avoir une preuve que tu peux faire faire à ces bêtes tout ce que tu leur demandes. »
« Et si je refuse ? » demanda Malum, connaissant déjà la réponse.
Tuma sourit. Sur sa face, l’expression était affreuse. « Alors, nous te renverrons chez tes amis, bien sûr… Et tu pourras avoir des funérailles, où le quelconque rituel qu’ils font pour honorer les morts. »
« C’est bien ce que je pensais, » répondit Malum.
Le Skrall avait tout faux, bien sûr. Ils s’imaginaient qu’il avait un certain pouvoir mystérieux pour contrôler les Vorox, mais il n’en avait pas. Il avait gagné sa dominance sur le troupeau en vainquant l’ancien chef dans un affrontement singulier. Tant qu’il les dirigeait vers l’eau et la nourriture et les gardait éloigner d’un danger involontaire – en d’autre termes, tant qu’il était un chef de troupeau efficace – ils le suivaient. Mais ils le faisaient en tant qu’êtres libres, pas en tant qu’esclaves. Les Skrall ne voulaient pas d’alliés, il le savait – juste des soldats qu’ils pourraient sacrifier sans hésitation.
« Emmenez-le dans l’arène, » ordonna Tuma. Le guerrier Skrall saisit Malum sauvagement par le bras et le traîna jusqu’à l’arène des Glatorian au centre d’une large base. Deux autres Vorox étaient enchaînés au mur du fond, tous deux membres du troupeau de Malum. Un plan commença à se former dans sa tête, mais cela dépendrait d’un bon nombre de facteurs inconnus. A quel point les Vorox étaient-ils affamés et désespérés ? Trop pour pouvoir se souvenir de lui ? Comprendraient-ils ce qu’il essayait de faire ?
Une demi-douzaine de guerriers Skrall apparut, entourant les côtés de l’arène. Un septième prit sa position dans une boîte derrière les Vorox. Au signal de Tuma, il relâcha les chaînes qui retenaient les bêtes prisonnières.
Les deux Vorox chargèrent sur Malum. Il pouvait affirmer, même à distance, qu’ils avaient été maltraités. Ils étaient avides d’une proie, et pourraient ne pas s’inquiéter de qui elle serait. Mais il resta au sol, en faisant un contact à l’œil avec d’abord l’un des Vorox, puis l’autre. Il leva ensuite son bras droit et le rabaissa lentement, en sifflant silencieusement pendant tout ce temps.
Les Vorox ralentirent, puis s’arrêtèrent complètement. Ils se baissèrent tous les quatre et levèrent les yeux vers Malum, comme prévu. Pour les Skrall qui le regardaient, cela semblait être un miracle : deux bêtes sauvages domptées en un instant.
« C’est vraiment très facile, une fois qu’on gagne leur respect, » dit Malum, sans écarter un œil des Vorox. « A en juger par les blessures, je dirais qu’ils respectent au moins la capacité à infliger des corrections. »
« Mes guerriers pourraient être entraînés à en faire de même ? » demanda Tuma. Les Vorox avaient été un problème dès le jour où les Skrall avaient commencé à les capturer. Un moment ou un autre, ils s’échappaient et faisaient d’énormes dommages avant de pouvoir être maîtrisés et tués.
« Ils m’ont vu le faire, » répondit Malum. « Je suis sûr qu’ils peuvent le faire eux-mêmes maintenant. »
Les six guerriers Skrall s’avancèrent vers les bêtes, qui restèrent sans bouger à leur approche. « Laisse-les partir, » dit Tuma à Malum.
Malum fit un sifflement court et acéré. Les Vorox se mirent à bondir, à nouveau relâchés. Les Skrall les saisirent immédiatement et les traînèrent jusqu’à l’autre bout de l’arène, en luttant pour les retenir. Tuma ordonna au Skrall qui avait donné un coup à Malum de s’avancer. Il serait le chanceux qui pourrait découvrir sa nouvelle emprise sur les Vorox.
Au signal de Tuma, les autres guerriers relâchèrent les captifs bestiaux. Les Vorox chargèrent sur le guerrier isolé qui les attendait. Avec une imitation parfaite de l’action de Malum, le Skrall leva et rabaissa son bras tout en sifflant dans un ton exactement similaire à celui qu’il avait entendu. L’effet fut surprenant, du moins pour lui.
Les Vorox ne s’arrêtaient pas. Ils ne ralentissaient même pas. Ils attaquèrent le Skrall comme une double avalanche, et une fois le Skrall abattu, se dirigèrent vers Tuma. Malum profita de la confusion pour saisir l’arme du guerrier déchu. Il bondit hors de l’arène et brisa les chaînes qui retenaient une autre paire de Vorox d’un coup.
« Par ici, mes frères ! » cria-t-il, en courant vers l’entrée.
Les Vorox tombèrent et continuèrent derrière lui, les Skrall à leur poursuite. Les Agori à l’entrée, en voyant un Malum déchaîné et quatre Vorox foncer droit vers eux, se retirèrent sagement sur le côté. Un coup de Thornax acheva un Vorox, et un autre coup blessa un second. Mais Malum et les deux survivants traversèrent la porte et s’échappèrent dans le désert
Tuma se remit avec colère sur ses pieds, en ignorant les blessures infligées par les Vorox. « Courez après eux ! Allez les chercher ! » Cria-t-il.
Les Skrall partirent volontairement dans le désert à la recherche des rescapés, mais ils ne les trouvèrent pas. Les réseaux de tunnels des Vorox s’étendaient même jusqu’ici, et Malum et ses deux compagnons de troupe avait déjà trouvé un refuge sous terre. Dès que la nuit tomberait, ils émergeraient et commenceraient la longue marche de retour chez eux.
Le désert est un lieu d’extrêmes, se dit Malum.
Une chaleur étouffante, un froid gelant, une loyauté féroce… Et une haine profonde. Les Skrall n’oublieront pas ce jour… et à leur amer regret, moi non plus.